À l’occasion du 61ème anniversaire de la FEDE et de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars 2024, nous avons eu le privilège de rencontrer Blerina Zoto, membre du conseil exécutif de la FEDE. Diplomate albano-suisse, experte en droits humains et militante pour les droits des femmes, Blerina a enrichi son parcours professionnel à travers diverses missions à l’international, notamment au ministère du travail en Albanie, au Conseil de l’Europe, à la Commission Européenne et aux Nations Unies en tant qu’experte des droits humains. À présent, résidant à Genève, elle est présidente du Centre de Liaison des Associations Féminines-Genevoises (CLAFG), une référence pour les initiatives féminines regroupant une centaine d’associations membres et de membres individuels.

Question : La Journée internationale des droits des femmes a été instaurée en 1977 par l’ONU. Quelle est votre opinion sur la persistance de cette célébration 47 ans après sa création ? Pensez-vous que cela soit un constat d’échec ?

Je ne qualifierai pas cela d’échec, car en 1977, lorsque l’ONU a désigné cette journée les enjeux étaient différents de ceux qui se dressent devant nous aujourd’hui. Le maintien de cette célébration et la poursuite des actions en faveur de cette cause témoignent du travail restant à accomplir. Plutôt qu’un échec, cette journée souligne la nécessité continue de lutter pour l’égalité des genres. Dans une société en constante évolution, les femmes sont souvent les premières à en subir les conséquences. Négliger cette journée et les efforts qui l’accompagnent pourrait nous faire régresser et compromettre les avancées déjà obtenues.

Question : Le thème de la Journée internationale des droits des femmes en 2024 est « Investir en faveur des femmes, accélérer le rythme », avec notamment un axe sur la mise en œuvre d’un financement tenant compte du genre. Considérez-vous cela comme une forme de discrimination positive ?

Au fil de mes années d’expérience à l’étranger, j’ai observé une transition de la notion de « discrimination positive » vers celle de « mesures positives ». Ces mesures visent à soutenir les groupes minoritaires confrontés à des inégalités. Leur objectif est de favoriser une représentation équilibrée des genres dans tous les domaines de la société. Dans ce contexte, le programme « Coup de pouce recherche et développement » que nous avons lancé au CLAFG vise à soutenir financièrement les femmes dans la réalisation de projets professionnels ou académiques. C’est une initiative dont je suis fière pour avoir traité plus de 30 dossiers en deux ans et accompagner des femmes de différents horizons dans leur développement.

Question : Vous allez créer l’Académie du Leadership Féminin pour encourager l’engagement des femmes dans le domaine de la diplomatie. Pourriez-vous nous en dire davantage sur cette initiative ?

Nous avons constaté le manque de ressources et de formation sur ce sujet à Genève pour soutenir les femmes et leur fournir les outils nécessaires pour s’engager en politique, en diplomatie, en entrepreneuriat, et dans d’autres domaines. C’est pourquoi nous avons lancé cette initiative au sein du CLAFG, afin de donner aux femmes et aux jeunes filles l’accès à ces ressources.

Face aux nombreux défis tels que les conflits, la pandémie, le réchauffement climatique et l’évolution des technologies, cette académie vise à renforcer la confiance des femmes et à les préparer à briller dans la société à travers diverses compétences telles que la gestion des situations difficiles au travail ou la prise de parole en public.

Dans notre engagement en faveur du leadership féminin, nous multiplions les initiatives. Par exemple, en partenariat avec l’ONU, nous organisons un concert de musique classique. Ce dernier sera dirigé par une cheffe d’orchestre, accompagnée de solistes qui ont suivi des études musicales à Genève, en hommage aux compositrices des siècles passés. De plus, je souhaite exprimer ma gratitude envers la FEDE pour son engagement à travers un partenariat pour que les femmes puissent obtenir des diplômes reconnus à l’échelle européenne.

Question : Quelle est votre opinion sur l’idée d’adapter les infrastructures urbaines et les services pour répondre aux besoins spécifiques des femmes ?

À mon sens, il s’agit là des défis de 2024. Ces enjeux n’existaient pas lorsque la Journée Internationale des Droits des Femmes a été instituée en 1977. C’est pourquoi il est crucial de sensibiliser à l’importance de cette adaptation, en incluant les femmes dans ce processus car elles sont les principales parties prenantes.

Question : Pensez-vous que les femmes sont incluses lorsque nous parlons de droits de l’Homme en français, sachant que le terme « droits humains » est privilégié dans plusieurs langues européennes ?

Cette question a toujours été centrale dans les instances internationales. Si le terme « droits de l’Homme » est couramment utilisé en français, d’autres langues privilégient l’expression « droits humains ». Cela reflète une évolution vers une terminologie plus inclusive, englobant l’ensemble de l’humanité plutôt qu’uniquement les hommes. Encourager l’utilisation de l’expression « droits humains » est une initiative louable, permettant une meilleure prise en compte des femmes dans le discours sur les droits.

Je salue l’initiative de la FEDE d’utiliser le terme « droits humains » pour le prix qu’elle organise chaque année. J’espère sincèrement que d’autres structures en France suivront cet exemple et évolueront vers l’adoption généralisée de cette terminologie. L’abandon progressif du terme « droits de l’Homme » au profit de « droits humains » représenterait un pas significatif vers une reconnaissance plus inclusive des droits de toutes les personnes, indépendamment de leur genre.

Question : Quels sont selon vous les prochains sujets prioritaires au niveau européen pour progresser vers l’égalité des genres ? L’Intelligence Artificielle inclusive en fait-elle partie ? Comment les femmes peuvent-elles s’intégrer dans ce domaine ?

L’intelligence artificielle représente un défi, porteur à la fois d’opportunités et de risques. Il est crucial que les femmes saisissent cette occasion et s’engagent activement afin que le développement de cette technologie ne soit plus largement dominé par les hommes. En effet, c’est par notre implication que nous pouvons influencer ce changement. Il est donc essentiel que les femmes se sentent concernées et ne se tiennent pas à l’écart de cette opportunité pour façonner l’avenir de ce secteur.